Médecine autonome à Mayotte : la nouvelle stratégie audacieuse pour répondre à la pénurie de personnel médical
Face à une crise de personnel sans commune mesure, le CHM explore une solution qui pourrait transformer le paysage médical local. Reportage
Face à la pénurie de personnels soignants à Mayotte, les services de l’État ont tout tenté afin d’attirer un plus grand nombre de médecins sur l’île aux parfums : chèques-cadeaux, discours encourageants, tapes dans le dos… Cependant, à la grande surprise du préfet, rien n’y fait.
Et si la solution ne venait pas de l’État… mais des patients eux-mêmes ? C’est en tout cas ce que préconise Jean-Mathieu DEFOUR, le directeur du CHM.
Et si nous formions les patients à se soigner eux-mêmes ? Tout le monde peut avoir un métier principal et être docteur à côté ! Je vous assure que c’est possible, les États-Unis sont à la pointe de cette méthode innovante. J’ai récemment entendu parler d’un certain Dr. Dre, vous connaissez ?
On m’en a dit beaucoup de bien ! Un chanteur qui, comme son nom l’indique, est également docteur émérite possédant de nombreux titres ! Sa spécialité est la médecine traditionnelle à base d’herbes.
Concrètement, comment se déroule la formation des patients ?
Eh bien, c’est simple, nous avons mis en ligne un calendrier avec de nombreux ateliers auxquels les patients peuvent s’inscrire. Ce calendrier est mis à disposition des patients sur le site Jéjébobo.yt. Pour les cas les plus graves, les patients peuvent s’inscrire sur un autre site : Jéjégrosbobo.yt.
Des ateliers à la pointe de la technologie
L'atelier phare est sans conteste celui de l’auto-diagnostique par smartphone.
“ J'avais mal à la main, alors j'ai pris une photo avec mon téléphone ”, raconte Madi, 45 ans. “ Je l’ai ensuite téléversée sur l'application MAYDAY MAYDAY. Après seulement 30 secondes de chargement, les résultats étaient là ! L’application m'a dit que ma main était complètement coupée. J'ai pensé que c'était un bug, mais en y regardant de plus près, effectivement, ma main n’était plus là ! Je recommande vivement cette application ! Je lui mettrais bien un pouce mais il ne m’en reste plus qu’un… ”
Apprendre à se soigner soi-même, une utopie ?
Tous n’ont pas eu une expérience aussi positive. Une autre participante à la formation a émis quelques réserves et a souhaité nous prévenir que la théorie apprise dans les ateliers online (ndlr) et la pratique restaient tout de même bien différentes l’une de l’autre. Pour Fatima, 27 ans, les actes médicaux à domicile ne sont pas aussi simples que ce que les médecins montraient en formation. Elle nous explique avoir tenter de se faire une coloscopie à domicile.
Je pensais que c'était simple avec une lampe de poche et un tuyau d'arrosage, mais je me suis vite rendu compte que ce n'était pas le cas. Heureusement, depuis hier, j’arrive à nouveau à m’asseoir
Des formations adaptées au territoire
Afin de s’adapter aux spécificités de Mayotte, certains ateliers incluent désormais des cours de défense personnelle combinés à des soins médicaux. “ Nous apprenons à nos participants à esquiver les coups de machette, à s’enfuir rapidement, puis à préparer un garrot en moins de 10 secondes ”, précise Jean-Mathieu DEFOUR. “ C'est un peu comme le triathlon, mais avec plus d’adrénaline et de sang. Je ne désespère pas de voir cette pratique apparaître aux JO lorsque Mamoudzou les accueillera en 2070, insh’Allah ”.
Soigner les blessures physiques, oui, mais pas que !
Si les ateliers de soin des blessures physiques représentent aujourd’hui 90% des formations réalisées par le CHM, les problèmes de l’âme intéressent de plus en plus les Mahorais, comme en attestent les formations qui sont de plus en plus prisées par les patients. C’est le cas d’Ibrahim, électricien de formation. A la sortie de l’hôpital, tout fier, Ibrahim nous montre sa nouvelle carte de visite qui affiche désormais “expert en chocs électriques et chocs émotionnels ”.
Une innovation mal-perçue par certains puristes
Face aux accusations de détricotage du service public et aux nombreuses moqueries, Jean-Mathieu DEFOUR a souhaité répondre :
Non, ce programme ne vise pas à remplacer la médecine traditionnelle ! Il fait simplement partie d’un programme plus large appelé Initiatives de Santé Transversales, ou encore IST, permettant d’ajouter, en complément de l’existant, des solutions innovantes avec les moyens du bord...
Et pour les détracteurs, sachez que nos élus prennent ces Initiatives de Santé Transversale à bras le corps en s’inspirant notamment du système de santé malgache. J’ai récemment discuté avec des élus de Koungou qui disaient être revenus de leur voyage à Madagascar avec beaucoup d’IST !
MàJ : Une semaine après notre interview, M. DEFOUR disait ne pas avoir eu de retour de Dr. Dre, “ probablement à cause de son agenda chargé dû à sa renommée internationale ” avant de continuer : “Je ne désespère pas d’arriver un jour à inviter un docteur émérite afin de parler des Initiatives de Santé Transversales. Cela se fera dans les prochains mois, quitte à prendre quelqu’un de plus local, de forcément moins connu mais aussi de forcément plus disponible… Vous avez entendu parler de Doc’ Gyneco ? ”
Une chose est sûre, les IST ont un bel avenir à Mayotte…
Belle écriture. Un bon ramassis de fourre-tout mais qui révèle la sombre réalité de nos institutions. J’attends le prochain article.
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